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"La poésie de Georges Castera ne tolère pas la nostalgie. Ce n'est pas au passé mais à la rébellion qu'elle est restée fidèle. L'entrée en poésie (en créole de surcroît, dans cette langue qui, dans les années 1950, n'est pas encore reconnue telle par les doctes comme par le grand monde) constituera d'ailleurs la plus grande rébellion. Quand on se nomme Georges Castera fils, on se doit de devenir médecin comme son père, surtout après deux ans de France, onze ans d'Espagne. On ne transite pas quinze ans aux Etats-Unis à mener une vie d'ouvrier avant de revenir au pays les poches pleines de poèmes ! (...)
Dans ce travail d'écoute et de mise en images, l'exil n'est pas une thématique. Georges Castera est parti d'Haïti en 1956, quelques mois avant l'élection de François Duvalier, pour ne rentrer au pays que trente ans plus tard, peu de jours après la chute de Jean-Claude. Il n'a vécu de l'intérieur ni la violence du père ni l'incurie du fils. Mais il n'y a aucune culture de l'exil dans sa poésie, aucune mythologie légitimant l'absence. (...)
Castera est celui dont la poésie tire encore sur les balles des assassins de peuples, les commandeurs d'usine, les vieilleries poétiques et conjugales qui condamnent à l'immobilisme. Pour nous, Haïtiens, sa langue fut et demeure la force ouvrière de notre résistance à la dictature du capital et à la dictature. Poète moderne et engagé, dialoguant avec les grandes démarches poétiques du XXe siècle, il est aussi celui qui nous a amenés au plus près des écritures croisées qui font les liens entre les peuples.
LYONEL TROUILLOT
(extraits de la préface).