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La revue semestrielle de poésie mauricienne Point Barre vient de publier ce 16 avril 2008 au Centre Charles Baudelaire à Maurice son quatrième numéro, thématisé "Anti-poèmes". Sous ce titre provocateur et intriguant, souligne Catherine Servan-Schreiber, de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris, le quatrième numéro de la revue interpelle : "Impertinence ? Insolence ? Dandysme ? Un rythme de comptines, la sagesse des proverbes, le goût des formules anciennes, quelque chose de Prévert, de Boris Vian, de Francis Ponge, et en même temps, à l'autre bout de chacun, cette force rebelle, déjà à la source du tout premier numéro", nous dit-elle dans sa préface.
Point Barre est née de la volonté d'un petit groupe de poètes mauriciens d'offrir une plateforme d'expression aux poètes de Maurice, de l'océan Indien et d'ailleurs. La revue, éditée par Cygnature Publications et gérée par les poètes Yusuf Kadel, Gillian Geneviève et Alex Ng (Île Maurice) et Catherine Boudet (La Réunion) ne publie que des textes de création (pas d'articles critiques ni d'analyses).
La revue se distingue par son projet collectif d'écriture, par la façon dont elle découpe son espace dans la poésie contemporaine (Week-End du 20 avril 2008). Dans ses colonnes, les célébrités (Ananda Devi, Abdellatif Laâbi, Tahar Bekri, Daniel Maximin, Richard Rognet, Edouard Maunick…) côtoient les talents à découvrir.
Parmi les "anti-poètes" de ce numéro 4, nous retrouvons les contributeurs mauriciens réguliers dont la réputation n'est plus à faire : Anil Gopal, Michel Ducasse, Jean-Claud Andou, Umar Timol, Gillian Geneviève, Alex Ng, Yusuf Kadel, ainsi qu'Ananda Devi. Nous faisons également connaissance avec les textes de poètes de dix pays différents, parmi lesquels la France, la Belgique, le Québec, Haïti, La Réunion, Madagascar ou encore le Liban.
Une caractéristique de ce numéro 4 de Point Barre semble être "ce souci de désublimer l'écriture poétique, qui y vise le réel, quelque soit le nom qu'on lui attribue : le sexe, la mort, la merde, la poubelle… On peut donc bien concevoir dans ce quatrième numéro que la poésie ne soit pas ce à quoi on est habitué. L'invention, les mots inattendus, sont les ressources d'une démarche littéraire qui n'est peut-être qu'un fard et qui grince, provoque, amuse ou s'abandonne à son étrangeté comme prise à son propre piège" (Week-End du 20 avril 2008).
"Ouvre la porte de la poubelle et vois défiler la vie de l'homme", invite le poète mauricien Jean-Claud Andou, auquel répond, comme en écho, le Québecquois Jean-Marc Lafrénière : "il y a du noir entre les jours, trop de murs entre les hommes (…), il faut refaire le jardin dans les ruines du soleil".
"Oui aux mots rugueux, sans prix, sans commerce" de la poétesse française Ile Eniger, car "j'attends d'un poème qu'il me mette K.O." (Francis Ricard), surtout parce que le poème, ou plus exactement l'anti-poème, "c'est une putain de hache à découper les lignes sanglantes que tu traces entre moi et ton monde" (Alex Ng).
Du poème-paille-en-queue du poète mauricien Anil Gopal à la déclinaison-sida en A du Belge Arnaud Delcorte, du poème en onze dimensions du Bulgare V.K. Valev au haïkon (anti-haïku) de la Réunionnaise Catherine Boudet, c'est toute une anti-grammaire du monde qui se dessine, dite par "d'autres lèvres encore pour mieux avaler la salive du silence" (Ananda Devi) et par laquelle "s'écoulent les montres molles à contre-temps forcément" (Yusuf Kadel).
Et lorsqu'un anti-poète s'avise de nous donner la recette de l'anti-poème, en nous recommandant de "laisser la pâte des vers boursouflés respirer l'absurde et le non-sens" (Gillian Geneviève), il prend soin de nous avertir qu'il "faut désormais chercher la belle ailleurs, elle est en marge du poème" (James Noël), car comme le précise Joumana Haddad la libanaise, "mon poème est un chemin. Et il marche, marche en moi"…
Les amateurs de nouveautés littéraires seront curieux de lire Point Barre 4 "Anti-Poèmes" en appréciant les illustrations originaleps du peintre mauricien David Constantin.