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La Compagnie Théâtre Inutile mène depuis 2006 un travail sur les écritures scéniques multiples et considère le théâtre comme un lieu privilégié pour guetter l'émergence de nouvelles formes (artistiques, politiques, socioéconomiques) traversées par un constat : Notre époque, marquée par le mythe de la performance sans limites, provoque dans le quotidien des corps des réactions violentes de souffrance, d'agressivité (luttes sociales) et d'abattement individuel (suicide sur le lieu de travail).
L'art vivant (non comme produit de consommation mais comme élément de production du lien entre la société, l'époque et nous-mêmes) pose des questions qui dépassent depuis longtemps la scène et les murs du théâtre. Qu'est-ce qui fait lien aujourd'hui ?
Le Corps liquide, récit où la chute d'un corps se transforme en comptine,Happy End, Concessions, Enfant, je n'inventais pas d'histoires sont autant de projets élaborés à partir du principe de la co-construction : une simultanéité de toutes les écritures, de l'objet plastique à l'espace sonore, de la lumière aux costumes, de la scénographie au travail d'acteur, avec la présence de la marionnette qui nous permet de créer des liens subtils.
Cette recherche d'une dramaturgie plurielle s'affine au fil des spectacles : en 2010, Oublie !, L'orateur et En Guise de divertissement en 2013, La Conférence des Chiens en 2015 imposent définitivement ce mode de fonctionnement.
Et si le processus se réinvente en temps réel, notre glossaire ne change pas : entrainement réciproque, co-inspiration, partage des outils - chaque outil étant un observatoire singulier, une langue singulière - cela implique la "traduction à plusieurs voix". Au rythme des répétitions, dans un éclatement d'espaces poétiques, l'écriture est une ligne de fuite qu'il faut mettre en perspectives, à plusieurs : la poursuite du sens suppose que l'on pratique l'accueil des contradictions. Ce qui, à l'arrivée, débouche sur des oeuvres hybrides qui se tissent et s'entrouvrent de brèches, de moment de contrebande.
Nous utilisons la marionnette en tant que principe de travail. Nous invitons cette forme de manière un peu
singulière : c'est via la marionnette et ses principes que nous interrogeons les écritures scéniques. La marionnette est également importante car elle convoque le comédien au niveau de l'acte et non à un niveau psychologique. Enfin, elle permet de faire émerger un espace de projection dont nous délimitons les cadres, les limites.
Car si la Compagnie s'appelle Théâtre Inutile, c'est bien parce que nous avons conscience que l'inutile dont il est question n'est pas opposable à l'utile : c'est son double sans lequel nous ne serions que pure fonctionnalité, tout comme l'invisible n'est pas opposable au visible. L'univers n'est pas obligé d'être beau pour fonctionner, nous dit François Cheng, et pourtant il est beau.
Que serait donc un monde strictement utile ? Et à qui serait-il destiné ?
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