Bonjour Edna, et merci d'avoir accepté de répondre à mes questions. Vous êtes écrivaine prolifique de nationalité gabonaise. Pouvez-vous esquissez votre biographie à nos lecteurs et internautes ?
Je suis née à Libreville en 1976. Par la force des choses, je suis l'aînée d'une famille de 06 enfants. Après ma scolarité à Port-Gentil capitale économique du Gabon, je suis partie à l'age de 16 ans et ai atterri dans un internat dans le sud de la France. J'y ai passé mon BEPC et mon baccalauréat littéraire avant de m'installer à Toulouse, où j'ai passé mon BTS en commerce international et un master, dans une école de commerce.
Après ce temps passé loin de chez moi, j'ai décidé de rentrer travailler à Port-Gentil, ville dans laquelle vit toute ma famille. Je suis maman depuis peu d'une magnifique fillette qui fait mon bonheur. J'écris comme d'autres respirent car, c'est un don que j'ai reçu...et difficile parfois de se contrôler ou de gérer son inspiration.
Vous êtes aujourd'hui, une des plumes qui comptent sur la terre gabonaise. Comment-vous vous êtes frottée avec le monde de l'écriture ?
Comme je le dis toujours, tout a commencé par mon amour pour les livres. J'ai trop tôt été intéressée par les livres. Mon père était féru de lecture et m'offrait, ainsi qu'à mes frères, des livres à toutes occasions. Quand j'ai de moi-même commencé à choisir les livres, j'ai lu les œuvres de la Comtesse de Ségur et ceux d'Enid Blyton. Au lycée je suis tombée sur les œuvres de Toni Morisson, André Brink, Calixthe Beyala. Cela m'a ouvert l'esprit. Par la suite, je me suis intéressée aux classiques en dévorant les œuvres complètes de Shakespeare, de Balzac tout en gardant un attrait particuliers pour les romans à l'eau de rose des collections Harlequin. J'ai écrit mes premiers textes en classe de 3ème, suite à la perte d'un être qui m'était très cher ; il s'agissait de textes poétiques, que j'ai laissés de côté. J'ai repris la plume plus tard, de manière instinctive pour briser l'ennui et pour m'évader, car j'étais quelqu'un de très réservé qui passait plus de temps à observer le monde qu'à interagir avec. Et à 22 ans, je suis tombée sur des œuvres littéraires écrites par des auteurs africaines, tel Mariama Bâ, Werewere Liking, Régina Yaou et j'en passe. Cela m'a fait comprendre que je pouvais moi aussi me lancer dans le monde de l'écriture. Je me suis mise à écrire encore plus. Et sous l'impulsion de ma petite sœur, j'ai commencé à envoyer mes premiers manuscrits à des éditeurs. Et en 2004, alors que j'avais 27, est sorti mon premier roman, dont le titre est LES AVENTEURES D'IMYA, PETITE FILLE DU GABON. C'est un roman pour enfants qui aujourd'hui encore, suscite beaucoup d'émotions chez les lecteurs. Depuis, j'écris avec bonheur, sans trop me prendre la tête, avec pour objectif principal, d'emmener les gens à questionner le monde qui les entoure.
J'écris tout autant pour les enfants que pour les adultes. J'ai différents textes, des nouvelles, qui ont été traduites en allemand, en espagnol, en arabe pour des revues litteraires. Mon recueil de contes dont le titre est Des Contes Pour La Lune, vient tout juste de paraître en langue anglaise sous le titre THE MOONLIGHT TALES, traduit par une lectrice américaine.
Que pensez-vous de la Littérature dans votre pays ?
La littérature gabonaise se construit ; elle avance. Nous avons aujourd'hui une pléiade d'écrivains dans tous les genres. Les gens laissent de plus en plus leurs plumes s'exprimer, ce qui n'était pas le cas avant. La dynamique est très forte côté féminin, avec des plumes prometteuses comme celle de Charline Effah et Muetse-Destinée Mboga. C'est une littérature qui est pleine d'avenir. Nous avons encore à faire notre nid dans ce grand espace littéraire francophone. Et nous l'avons déjà marqué de nos empreintes avec des auteurs comme Bessora et Jean Divassa Nyama qui ont obtenu le Grand Prix Littéraire d'Afrique Noire.
De plus en plus, une mouvance importante se créé en Afrique pour une promotion de la Littérature. Est-ce dans cet élan que vous avez lancé il y a bientôt cinq ans le grand rendez-vous annuel « Port-Gentil Escale Littéraire » ?
Oui, c'est bien dans cette optique qu'est né cet événement. Le constat de départ était celui-là : il faut que les gens autour de nous s'intéressent à ce que nous publions en tant qu'écrivains et nous lissent. Car, nous ne pouvons demander aux autres de s'intéresser à nos œuvres, si nos compatriotes ne le font pas.
Et chaque année, les débats font évoluer la situation. À force de mettre le doigt sur de gros manquements dans la chaine de distribution de livre, l'on se dit que des solutions viendront bien vite.
De fait, que les auteurs se lèvent pour défendre leurs créations, leur art, est une bonne chose et des événements littéraires comme les notre font avancer la cause du livre en Afrique.
Justement Edna, présentez-nous ce projet d'envergure.
Il s'agit toujours à chaque édition, de créer une plate-forme d'échange entre les lecteurs (et lecteurs potentiels) et les écrivains. L'événement se déroule sur deux jours pleins, durant lesquels il y a des conférences-débat autour de 4 à 6 auteurs invités. L'on parle, littérature, création et engagement de l'écrivain, sur des thèmes élaborés par des lectures critiques faites par des professeurs de Lettres. Les écrivains sont là pour défendre et leurs œuvres et la littérature sous toutes ses formes. Il y a des séances de dédicace à la clé. Au-delà de cela, le public a la chance d'assister à deux spectacles : un spectacle de Slam et un spectacle de théâtre.
C'est un bon moyen pour inciter les jeunes et les adultes à lire toujours un peu plus en rappelant que la lecture divertit autant qu'elle instruit.
Nous avons commencé cette aventure en 2010, Nous fêterons cette année, si Dieu le veut, la 5ème édition de Port-Gentil Escale Littéraire, avec un panel d'écrivains toujours plus motivés à faire avancer les choses. En sachant que nous avons comme depuis le début, l'appui de différentes entreprises de la place, dont Total Gabon qui a parrainé la dernière édition. Nous espérons qu'un jour, en ayant les financements nécessaires, cette manifestation pourra accueillir des écrivains venant d'ailleurs.
Déjà quatre éditions…et encore ! Quel bilan pouvez-vous brandir après toutes ces réalisations ?
C'est fortement réjouissant de voir que l'on parle désormais du livre dans la ville de Port-Gentil. Cela a même donné l'opportunité à certaines plumes, dont Marcel NGUIAYO EFFAM, de se lancer. Il a assisté en tant qu'auditeur à cet événement en 2014 et il est revenu en tant qu'auteur invité en 2015 car il avait à ce moment là sorti son premier recueil de poème. L'engouement est là, les énergies aussi. Nous avançons avec confiance. Rendez-vous est pris pour le mois d'octobre.
La cinquième édition se prépare activement…Pouvons-nous en exclusivité dans « CLIJEC, le Mag' », les principales innovations de cette édition ?
Pour fêter les 5 ans de cet événement, les auteurs nous gratifieront d'un texte inédit qui paraîtra dans une œuvre collective. Nous partons sur la base d'un spectacle de poétique comme chaque année, mais qui mettra en valeur les textes de grands auteurs qui nous ont récemment quittés (André Brink, Nadine Gordimer, Chinua Achebé... . Il y aura un atelier d'écriture qui se tiendra sur une journée pour inciter les jeunes à écrire et dévoiler leurs talents.
De plus, l'un des thèmes principaux sera la littérature destinée au plus jeune (littérature pour enfants et pour la jeunesse).
Songez-vous à élargir ce rendez-vous à d'autres pays pour les prochaines fois ?
Nous croisons les doigts à chaque fois. Un tel événement est appelé à grandir et à créer des synergies. J'espère voir un jours des auteurs venus d'ailleurs, qui seraient pour nous faire vivre et comprendre leurs conceptions de la littérature. Notre arme de bataille est le livre. Nous espérons que les gens au fur et à mesure cesseront de dire et répéter que le livre est cher, quand on sait qu'un livre lu, est une arme efficace pour combattre l'ignorance et la bêtise.
Avez-vous un appel à lancer aux Promoteurs Culturels et Partenaires ? Alors, c'est l'espace…Faites la pub !
Cet événement est parti d'une initiative privée et aujourd'hui, fort est de constater qu'il s'inscrit désormais dans l'agenda culturel de notre ville. C'est dire que les combats ne sont pas vains. Quand bien même le livre a du mal à intéresser ses autorités de tutelles, le combat continue avec acharnement pour voir cet élément culturel trouver et garder sa place aux côtés des instruments de musique, de la danse et autre. S'il fallait dire une chose ce serait : nous avons besoin de plus de lumière médiatique pour permettra à cet événement de résister au temps pour rentrer dans la pérennité.
Propos recueillis par : Ulrich Talla Wamba pour le Magazine littéraire CLIJEC, le Mag'