Péninsule du Cap. La dominante montagne de la Table expose, quand elle n'est pas drapée de brume, ses couleurs terreuses face à l'océan. Si Pretoria est la capitale administrative, Johannesburg le poumon économique, Le Cap apparaît comme le point d'ancrage de la création sud-africaine. Figure de proue artistique, par la diversité de sa population, des premiers habitants, les bushmen, aux Zoulous, des colons hollandais supplantant Portugais et Anglais aux contingents d'esclaves malgaches, malais et indonésiens, la ville est un carrefour culturel cosmopolite.
Fondé en 1981 par Anwar Gambeno, le chœur des Cape Traditional Singers, issu du groupe The Tulips, incarne l'esprit des quartiers "métis" de la ville. Pour les fêtes du Nouvel An dans l'artère centrale de Bo-kaap, les chanteurs, tous amateurs, vêtus de costumes stylisés aux couleurs éclatantes, paradent dans les rues à l'occasion des compétitions vocales. Nourris d'influences musicales indonésienne et hollandaise, les chœurs "Malay", dépositaires de chansons traditionnelles et de chants du Carnaval, restituent la culture vivante des "coloured" avec notamment des moppies, ces chants satiriques et les nederlandliedjies en afrikaans.
En formant le Fezeka Youth Choir, un chœur d'une qualité exceptionnelle, Phume Tsewu, professeur d'anglais, donne à ses élèves une leçon de vie en les entraînant dans le répertoire des chants sacrés et profanes, des cantiques, et des œuvres de compositeurs sud-africains de la fin du XIXe. Avec l'énergie d'un passionné engagé, il transmet à de jeunes défavorisés du quartier de Gugulethu sa quête de perfection, son exigence : "La perfection musicale est un moyen de donner fierté et confiance à des jeunes qui vivent dans un grand dénuement".

Le texte est de Jean-Luc Toula-Breysse.